Présent dans l’équipe du CEM depuis septembre dernier, William Karadjian est professeur de claviers, de chant et dirige l’une des chorales de l’école. Trois des multiples compétences inhérentes à ce musicien hyperactif et voyageur.

Il n’y a que cinq heures de route entre Quimper et Le Havre, 467 kilomètres précisément entre la ville de son enfance et son pied-à-terre actuel. Mais voilà, William Karadjian n’est pas du genre à appliquer la règle de la ligne droite, ni même faire dans la simplicité. Et son parcours de vie l’a propulsé dans les trois capitales européennes, Paris, Londres et Berlin, avant se poser dans la cité du « Pot de yaourt ». Une mise en application de la maxime de Montaigne, « les voyages forment la jeunesse », qui permet au Finistérien d’adoption d’accumuler compétences, connaissances et rencontres opportunes au hasard de ses pérégrinations. Il possède aujourd’hui une expérience du secteur de la musique longue comme les bras de la Seine et s’est essayé à presque toutes les composantes du milieu : artiste, musicien de studio, assistant de communication, tourneur, chargé de développement… des expériences multiples et formatrices qui ont enrichi son bagage musical au fil du temps. 

William est né à Paris mais a grandi en Bretagne où le piano de la maison joué par son père berce ses plus jeunes années et le conduit très tôt au conservatoire de théâtre et de musique de Quimper. S’ensuit un apprentissage des plus classiques, précédé de quelques cours particuliers, agrémenté de l’écoute des cassettes du daron, notamment celles de Vangelis pour les films « 1492, Christophe Colomb » et « Les chariots de feu ». Les orchestrations lui plaisent. Lui parlent. Elles révèlent déjà chez le petit garçon cette envie de composer et d’arranger des chansons quand il sera grand.

Jusqu’à Londres

Le champs musical s’élargit à l’adolescence avec la découverte du rock. Les CD de Nirvana et des Red Hot Chili Peppers tournent en boucle dans le lecteur. William apprend à jouer de la guitare, connaît ses premières expériences de groupe dans divers styles, rock, metal ou electro, et opte pour un bac musique à Quimper où il se trouve être l’unique élève de la filière. Il bénéficie de cours particuliers dans un établissement scolaire public, un truc improbable qui lui convient bien malgré tout. Le diplôme en poche et la majorité acquise, Will s’installe à Rennes pour suivre les cours de Tempo Musik, une sorte de MAI – centre de formation musiques actuelles situé à Nancy – mais plus spécialisé dans le jazz. « Cette école m’a permis de m’ouvrir à ce registre que je connaissais peu et particulièrement à la composition et à l’improvisation », précise celui qui a élargi son champs musical avec ce passage dans la ville des Transmusicales. Terminées les galettes bretonnes et les bolées de cidre fin 2007, l’ex Breton traverse le Chanel pour tenter sa chance en tant que musicien de session de studio à Londres mais aussi pour retrouver sa bien-aimée. L’expérience britannique s’avère compliquée « parce que le secteur de la musique est encore plus fermé qu’ailleurs » lâche-t-il un peu dépité, même avec du recul. Difficile pour lui de s’imposer au milieu d’un immense vivier de sidemen aussi compétents, surtout quand on n’est pas natif du pays. William trouve la solution : « Je faisais des allers-retours entre Paris et Londres, La France pour travailler, l’Angleterre pour faire la fête. » Tout ça à une époque où l’idée d’un Brexit n’avait pas encore ou presque effleuré le cerveau des Britons. Il se lance en parallèle dans l’illustration musicale de publicités pour compléter son salaire et affirmer son désir de composition.

L’appel de la musique

L’opportunité d’un CDD chez Strictly Confidential, au département A&R (Artists and Repertoire), en 2009, lui offre de nouvelles perspectives : proximité avec le milieu artistique et constitution d’un réseau professionnel. Un bon plan pour enrichir son CV et étoffer son carnet d’adresses. Une expérience courte mais intense, enrichie de son lot d’anecdotes dont celle concernant Miossec, introuvable alors qu’il vient le chercher à l’hôtel pour les besoins d’un show case programmé pour l’auteur de « Brest ». L’histoire se termine bien après un gros moment de stress et une bonne suée.

William enchaîne les contrats et atterrit chez Discograph dix mois plus tard puis chez Grounded music comme chef de projet, entre 2010 et 2011. Mais l’appel de la musique est plus fort que tout et un retour sur le terrain de la pratique s’impose à ses oreilles. Il redevient indépendant et propose à nouveau ses services en tant que producteur de musique. C’est un peu après, en 2013, qu’il participe à la création de l’aventure NUIT : « J’avais déjà croisé Julien Burel en 2010 lors de l’émission One Shot Not sur Arte. Craig Walker, l’ancien chanteur de Archive, était programmé et je m’occupais de la promotion de son premier album en solo. Julien, qui collaborait aussi avec lui pour un projet qui ne verra pas le jour, était présent sur le plateau et m’avait remis une démo de son travail que j’avais remisée comme tout bon personnel de label. On s’est revus trois ans après et j’ai intégré NUIT. » L’histoire du groupe s’accélère après seulement deux clips visionnés en masse sur le Net. Le phénomène havrais intrigue et se retrouve vite convoité par l’ensemble de la profession. Tout en poursuivant NUIT, William s’installe à Berlin en 2016 pour y développer les activités d’Universal Publishing : « Je préférais être sur place pour m’imprégner des habitudes de travail locales. Mais avec l’arrivée de la Covid et des confinements, il m’était devenu impossible de travailler là-bas à cause de la mentalité. Leur regard sur moi avait changé. Le protectionnisme des Allemands était de rigueur. », se rappelle William, un brin nostalgique de cette ville étonnante.

Arrivée au Havre

Retour à Paris où le globe-trotteur pose à peine ses valise pour prendre la direction du Havre : « Je n’avais pas très envie d’y aller au début parce qu’après avoir habité à Paris, Londres et Berlin, où le milieu professionnel foisonne, j’avais peur de perdre mon réseau, mes contacts et une proposition culturelle très fournie.  Finalement je ne regrette pas du tout !» lance-t-il très heureux de sa destination normande, une fois n’est pas coutume, pour y retrouver sa nouvelle compagne, mais aussi pour devenir professeur de claviers, de chant et chef de cœur de l’une des trois chorales du CEM depuis la rentrée. Un déménagement qui le rapproche par la même occasion des membres de son groupe NUIT dont le premier album devrait enfin sortir en 2024.

A 38 ans, l’homme aux multiples facettes est épanoui, heureux de sortir son vélo le dimanche matin pour s’enfiler ses 60 à 70 kilomètres ou encore promener son chien Angie, un bouledogue français qui réagit à l’anglais et aboie en allemand ! La musique prend toujours autant de place dans sa vie et le domaine de l’arrangement, notamment pour les cordes, l’intéresse de plus en plus : « J’apprends au contact d’amis déjà bien spécialisés dans ce secteur et j’y prends beaucoup de plaisir. » Finalement une corde supplémentaire à son arc pour compléter ses capacités musicales déjà considérables et mises en pratique au sein de ses nombreux projets où figurent toujours la production et la composition : musique pour la publicité, collaboration avec des artistes locaux (White Velvet) et un album solo de pop electro sous le nom Will Karayan en préparation. Les vacances semblent lointaines pour William, contrairement à la mer qu’il aime longer depuis son arrivée au Havre. Un océan qui l’appelle peut-être vers d’autres horizons… le plus tard possible pour le bien des élèves du CEM.

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