Arrivée en octobre dernier, Marina Parks prendra officiellement la relève de Thierry Effray au poste de responsable de l’action culturelle au CEM, en mars prochain. Côté scène ou côté coulisse, cette havraise pur jus a déjà évolué dans de nombreux secteurs des musiques actuelles et sa venue est un vrai gain pour la structure.

©DLM-T

Marina Parks née Quaisse aurait pu suivre la voie de l’enseignement choisie par les célèbres violoncellistes Valérie Aimard, Anne Gastinel ou encore Reine Flachot mais son goût prononcé pour la composition et l’expérimentation faisaient tache dans le programme d’un apprentissage académique, au conservatoire du Havre. Son désir de liberté artistique, de travailler sur la composition, d’associer l’instrument classique aux nouvelles technologies, particulièrement après l’écoute de l’album « Homogenic » de Björk, la pousse à échouer volontairement lors des examens : « On travaillait sur l’excellence au conservatoire et il fallait connaître son instrument sur le bout des doigts, jouer les œuvres par cœur, ce qui ne me correspondait pas et je me sabordais lors des concours. Il suffisait de rater une note pour être recalée. » lâche-t-elle, un petit sourire au coin des lèvres. Ce parcours chaotique ne l’empêche pas de suivre les cours du conservatoire pendant une douzaine d’années, de s’imprégner des bandes originales de films où son instrument est utilisé autrement, puis de peaufiner sa technique à l’aide de professeurs particuliers. L’envie de se confronter aux musiques actuelles la pousse à intégrer son premier groupe, Aktarus, en 1999 : « On venait tous du rock mais on souhaitait s’orienter vers le trip hop, ce qui était tendance à ce moment-là ». Le jeune combo se lance dans le grand bain municipal, répète dans les anciens locaux du CEM, rue Franklin, où chacun apporte ses idées, ses velléités et ses compétences. L’aventure ne dure pas mais laisse des traces dans les esprits.

Les métiers de la musique

En parallèle, elle commence un parcours universitaire en musicologie avec pour perspective éventuelle l’enseignement de la musique. Marina obtient son Deug, mais après avoir regardé un reportage sur le label F-communication à la télé, change d’orientation et opte pour la maîtrise « Conception et mise en œuvre de projet culturel ». L’étudiante est conquise par l’expérience de Laurent Garnier et le secteur des métiers de la musique l’intéresse finalement plus que le professorat. Elle signe pour deux ans de plus sur les bancs de l’Université de Rouen à Mont-Saint-Aignan. Elle ne supportait plus Le Havre, Rouen ne l’enchante pas plus, à part cette rencontre avec un certain Jean-Christophe le Saoût dans l’amphi. Une histoire d’amitié en découle et un projet musical commun est façonné à partir des expérimentations sonores de JC. Il apporte sa science des machines et des sonorités électroniques, elle habille et arrange avec son violoncelle. Le projet prend forme et se matérialise sous la forme du EP « Lost the way », en 2004, sous l’appellation Wax Tailor. Un nom qui retentira bien au-delà de nos frontières et conduira Marina dans de nombreux pays durant quelques tournées marathons, entrecoupées d’enregistrements d’albums entre 2005 et 2009. C’est durant cette période qu’elle rencontre son futur mari Mattic – Ghost in the machine –, rappeur au sein du collectif, et deviendra Madame Parks. « C’était une période ultra chargée, déroutante même, avec une année 2007 complètement folle. On était tout le temps sur la route ou dans les airs. On a appris sur le tas en faisant des erreurs mais c’était très enrichissant », se rappelle celle qui voit sa collaboration avec Wax Tailor s’arrêter brutalement après l’enregistrement de l’album « In the mood for life » en 2009.

Le calme après la tempête, Marina retrouve son quotidien havrais, forcée et quelque peu amère mais rebondit vite. La jeune femme donne des cours de violoncelle au CEM durant la saison 2011/2012 et propose ses services en tant que professeure indépendante pour autrui. Juste avant cette première histoire avec le CEM, elle intègre l’équipe de feu-l’Asso6sons devenue depuis la Fabrik à sons pour développer le projet numérique « Sonothèque de Haute-Normandie » à Bolbec. C’est aussi à cette époque qu’elle se lance dans une formation personnelle en MAO – musique assistée par ordinateur. La musicienne s’équipe, triture les sons, imagine des mélodies, compose des instrumentaux… Ordinateur et violoncelle sont les principaux ingrédients de son dessein artistique. Les mois passent, puis les années. Elle maîtrise l’outil informatique. Les maquettes bancales d’hier deviennent des vrais morceaux qui intéressent Phonosaurus Records situé outre-Atlantique. Et l’intérêt du label canadien se concrétise par la signature d’un contrat et la production de « The legend of Sirena » en 2014. Hélas Phonosaurus fait faillite le jour de la sortie de l’album et ne peux en assurer la promotion. Un beau raté combiné à une frustration logique pour Marina puisque le single présenté quinze jours plus tôt affichait déjà plus de trente mille vues sur le Net. « Ça m’a cassé sur le coup. J’étais déçue ! mais tout ce projet reste une très bonne expérience », reconnaît Marina aujourd’hui, dont l’optimisme semble sans limite.

RMAN and co

Nouveau départ professionnel en 2015 avec son arrivée au sein de l’association RMAN – Réseau des Musiques Actuelles de Normandie – devenu NORMA cette année et naissance de son fils. Deux événements et deux bonnes raisons pour être occupée à plein temps et moins jouer de musique, même si l’envie est toujours présente : « J’ai fait quelques compositions qui sont restées à l’état de démos. Je suis moins obsédée par le trip hop aujourd’hui. » En effet, son spectre musical s’est considérablement élargi depuis les années quatre-vingt-dix et ses coups de cœur actuels portent sur le producteur et musicien britannique Sohn, la chanteuse Noga Erez pour ses performances live, sur Rosin Murphy (ex-Moloko), Quantic, Tirzah, Hidden Orchestra, Say She She, Snoh Aaalegra, Bonobo… et toute sa dernière découverte, Wendy Martinez, avec l’album « Rivages du monde flottant ». Cette liste pourrait être bien sûr plus étoffée et pas mal d’autres artistes underground viendraient la compléter. Des noms plus ou moins connus mais des artistes à part entière qui prouvent qu’avec « des sons biens choisis et très peu d’accords, on peut faire quelque chose de superbe, de génial et d’émouvant, contrairement à ce qui était inculqué à l’époque au conservatoire », comme Marina le précise, forte de son expérience passée. Sa vision de l’enseignement et de la pédagogie est plus en adéquation avec celle pratiquée au CEM, école qu’elle retrouve aujourd’hui au poste de responsable de l’action culturelle et du développement des publics. Un domaine encore inexploré mais une aventure électrisante pour cette exploratrice du monde musical dont les compétences multiples garantissent le succès : « J’ai toujours eu une accointance avec le CEM, via mon premier passage ou par le biais de mes emplois précédents. Je l’ai vu évoluer, grandir et devenir une structure sans ou presque équivalent en France. Le CEM est une école exceptionnelle pour découvrir les musiques actuelles, pour rencontrer des passionnés. Il possède une identité très forte et mène un projet passionnant dans lequel je me retrouve totalement. ». On n’en doute pas.

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